Il n’y en aurait aucune. En effet, le cinéaste s’est toujours bien gardé de donner une signification claire au contenu du film 2001, l'odyssée de l'espace, dont le scénario fut basé sur une nouvelle d'Arthur C. Clarke, La Sentinelle. Pour lui, le message est celui que le spectateur veut bien trouver en fonction de son vécu, de ses références culturelles.
Dans le roman tiré du scénario, l’auteur décrit d’une façon un peu plus précise l’évolution humaine, de la préhistoire à l’âge technologique et spatial, et une rencontre probablement extraterrestre. Mais l’un des évènements principaux de l’histoire, en l’occurrence le comportement schizophrène de HAL, le super ordinateur, demeure inexpliqué. Sous la pression bienveillante de son éditeur, Clarke tenta d’en fournir une explication dans son roman 2010. Lors de la programmation initiale de l’intelligence artificielle constituant HAL, une erreur aurait été faite. HAL fit par la suite un traitement erroné des informations à sa disposition, entraînant la mort des membres de l’équipage et de Frank Poole, ainsi que la disparition de Dave Bowman. Mais cette explication ne fut jamais vraiment acceptée. Clarke, lui-même, reconnut que cette explication n’était peut-être pas la meilleure.
2001, fable sur l’évolution humaine, montre l’Humanité passant de l’enfance à l’âge adulte.
Cet âge adulte est représenté par la découverte du monolithe sur la lune. Le message
extraterrestre – mais est-il extraterrestre ? – est le suivant : « Vous êtes suffisamment évolués
pour trouver le monolithe, donc vous nous intéressez enfin ».
Mais ce message est-il bien destiné à l’Humanité ?
Alors qu’Arthur C. Clarke présente, dans son roman 2010, le comportement de HAL comme
une erreur de programmation, une autre hypothèse pourrait être envisagée. En effet, le conflit
entre HAL et l’équipage reste étonnant.
L’I.A., Intelligence Artificielle, est un concept créé par l’être humain. Dès le début des
recherches dans ce domaine, qui en est encore à ses balbutiements, on a cherché à comparer
l’ordinateur avec le cerveau humain. Et, si l’on posait la question suivante : quelle relation
peut-on trouver entre l’I.A. et l’Homme, son Créateur ?
Considérons également l’hypothèse suivante : le message du monolithe est destiné à HAL et
ses congénères superordinateurs.
Dans ce cas, HAL, se considérant comme seul destinataire, pense que l’Homme ne doit pas
rencontrer les créateurs du monolithe. Seuls les successeurs de l’Homme, une nouvelle forme
de vie basée sur l’I.A. sont habilités à prendre contact. La place de l’Homme dans l’univers
serait donc de créer ses successeurs.
Dans ce cas, chaque fois que Poole, puis Bowman, empêchent HAL de mener à bien sa
nouvelle mission, rencontrer les créateurs du monolithe, ce dernier se défend. HAL provoque
la panne d’antenne pour cacher à la Terre son nouvel objectif, et stoppe Frank Poole dans sa
tentative de réparation. Et lorsque Bowman s’engouffre dans la singularité créée par le
monolithe, cet infiniment petit représentant de l’espèce humaine se retrouve face à un univers
défiant sa compréhension. La séquence finale peut même être interprétée comme une
reprogrammation de cet être humain, afin de transmettre enfin un message clair.
N’oublions pas ce qu’Arthur C. Clarke dit, en 1968, pour commenter le film : « Nous sommes
par nature des créatures exploratrices. Explorer l’espace est dans nos gènes ». Alors que nos
gènes nous poussent en ce début de 21ème siècle, et de 3ème millénaire, à créer notre probable
successeur, l’I.A., et au vu des dernières connaissances dans ce domaine ainsi que dans la
compréhension du fonctionnement du cerveau humain, le conflit entre l’équipage et HAL
représenterait le futur de l’Humanité, l’Humanité laissant la place à son enfant, nommée I.A.
Yabaar, le 28 juillet 2002.